Que veut dire gothique ?
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Aujourd’hui quand on utilise le mot gothique, on pense aux cernes sous les yeux, aux vêtements sombres et aux bracelets à pointes. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Avant d’être ce style noir et mélancolique qui a fait la célébrité de Tim Burton ou de Marilyne Manson, le gothique était tout autre chose.
Le gothique dans la barbarie antique
Le mot gothique dérive du mot « goth » désignant un peuple germanique de la fin de l’antiquité. Barbare venu du nord les goths ce sont divisés en deux branches : les Wisigoths et les Ostrogoths. Ennemis de l’empire romain occidental, ils ont largement participé à son déclin. Le sacre de Rome par les Wisigoths en 410 sert d’ailleurs en général de borne chronologique pour marquer le passage de l’antiquité au moyen-âge. Pour le monde civilisé, il représente la barbarie, la violence et la culture. Le mot Ostrogoths est d’ailleurs resté dans notre langue synonyme d’impoli ou de sauvage.
Les goths n’ont donc pas grand-chose à voir avec nos gothiques actuels, d’autant plus que pour l’instant on parle d’un peuple et non d’un style.
Un terme péjoratif
Les premières mentions d’un style gothique apparaissent dans l’Italie de la renaissance. Le gotico désigne alors principalement l’architecture française du moyen-âge dont le modèle c’est rependu dans l’Europe entière. A ce moment-là, le terme est péjoratif. Par exemple sous la plume de Giorgio Avasari (peintre et architecte de la Renaissance, c’est aussi le premier historien de l’art) le gotico c’est l’art des goth, des barbares du nord et le fait que celui-ci soit rependu jusqu’en Italie est comme une nouvelle invasion. Le terme apparaît donc dans un contexte nationaliste.
Le gothique est ainsi un repoussoir pour les artistes italien, il est pour eux le symbole des âges sombres dont ils prétendent sortir en retrouvant le savoir antique. De plus, il est associé au peuple du nord qui a fait tomber le seul véritable modèle de civilisation à leurs yeux : Rome.
Rompre avec le gothique, c’est donc pour eux un moyen de restaurer la grandeur perdue de l’Italie.
Un art flamboyant
Ce style gothique si décriait par les italiens est assez éloigné du nôtre. Loin d’être sombre ou mélancolique l’art gothique incite plutôt à la joie ce qui est logique puisqu’il s’agit d’un art avant tout religieux. On ne voit pas pourquoi les moines qui rédigent et enlumine les manuscrits précieux voudraient effrayer les rares lecteurs. De même, on imagine mal un évêque réunir des sommes considérables pour faire bâtir un édifice inquiétant.
Les cathédrales gothiques n’ont en effet rien d‘effrayant à leur apparition. Construite en l’honneur de Dieu pour lui rendre hommage, ce sont surtout des exploits techniques rendus possibles par l’utilisation d’innovation architecturale comme l’arc brisé, la croisés d’ogive et l’arc-boutant. Elles s’élancent ainsi vers le ciel pour impressionner les fidèles qu’elles doivent accueillir.
Leur rôle est également de séduire, aussi leurs façades sont-elles polychromes, couvertes de couleurs vives et variés. Quant à l’intérieur, il est vaste, aéré. Et puis ces édifices coûtent extrêmement cher. Chaque nouvelle cathédrale se doit donc de surpasser la précédente, d’être plus haute et plus belle. A travers elles, les villes qui financent ces constructions ne veulent pas seulement rendre hommage à Dieu, elles cherchent aussi à se distinguer aux yeux de leurs voisines.
Ainsi, dans l’ensemble, l’art gothique se caractérise surtout par la richesse de ses ornements allant jusqu’à la surcharge dans sa dernière période. Ce sont d’ailleurs ses traits stylistiques qui sont critiqués par les artistes de la renaissance, ils y voient du désordre et du grotesque eux qui prônent l’équilibre et la sobriété antique. Coloré et flamboyant, ce style médiéval que l’on appel gothique est donc bien éloigné du nôtre.
Revalorisation patrimoine
Sous l’influence Italienne, le terme gothique reste largement péjoratif jusqu’au 18ème siècle inclus. Les conceptions italiennes sur l’art étant devenu le modèle à suivre pendant plus de 3 siècles. Mais avec la montée du nationalisme né dans toute l’Europe une volonté de redécouvrir son patrimoine. Chaque nation cherche à découvrir sa culture et à l’affirmer. Dans un retour de balancier, ce sont cette fois les peuples du nord qui se sentent dépossédés de leur culture. Ils cherchent donc à la retrouver. Le modèle gréco-latin jusqu’alors hégémonique est donc remis en cause un peu partout.
On s’intéresse ainsi de nouveau aux mythologies païenne, celte ou germanique et au récit de la chevalerie arthurienne. Le regard porté sur l’architecture médiéval change lui aussi : on la redécouvre, on la restaure et on commence même à la protéger. Et même, au Royaume unis et aux états unis principalement, on en reprend les traits caractéristiques dans ce qu’on appel le néogothique. Jadis perçu comme le vestige d’une époque de barbarie le gothique est désormais perçu comme le monument glorieux de la nation.
Mélancolie romantique
C’est dans ce contexte que le regard sur le gothique commence à se reprocher du nôtre. Le moyen Age est en effet une source d’inspiration pour les artistes du 19ème siècle. Notamment pour les romantiques qui s’en emparent pour régénérer leur art et rompre avec l’idéal de beauté classique jugé trop rationnel. La référence au moyen Age leur permet ainsi d’explorer de nouveaux territoires, doser le bizarre, de créer le mystère et de susciter l’inquiétude.
Dans l’art médiéval, ils voient aussi le symbole d’une époque révolue, d’une simplicité originelle à jamais perdu, de mystères ignorés près à resurgir et du temps qui inexorablement détruit toutes choses. Projetant ainsi sur l’art médiéval un regarde teinter de rêverie sombre et de mélancolies, les romantiques en produisent des représentations qui l’associent durablement à ses sentiments. Avec le temps, elles sont devenues classiques, presque des clichés et notre regard en porte encore la trace. Cela nous rapproche de notre conception du gothique, mais ce n’est pas tout.
Ambiance fantastique
Le gout du 19ème siècle pour l’étrange et l’irrationnel favorise également l’apparition d’un nouveau genre littéraire : le fantastique. Et ses principaux représentants utilisent l’architecture gothique comme le corps de leurs histoires associant irrémédiablement celle-ci aux spectres, aux goules et aux vampires. Evidemment, cela n’a fait que s’amplifier avec l’apparition du cinéma qui dès les années 20 commence à adapter des classiques de la littérature fantastique comme Dracula ou Frankenstein. Pour se faire, on créer des décors rappellent l’architecture gothique et on utilise des polices d’écriture qui évoquent les manuscrits médiévaux. Ainsi, le gothique se voit-il définitivement lié aux morts vivants et aux vampires ainsi qu’aux atmosphères horrifiques qui les accompagnent. Le cinéma n’a depuis jamais cessé de recycler cette imagerie comme l’exemple de Tim Burton le montre bien et d’autres domaines comme la musique ou la mode se sont emparés de cette esthétique qui perdure encore de nos jours.
Des couleurs à la noirceur
Ferveur religieuse, rejet d’un style pour en imposer un autre, revalorisation mélancolique, appropriation romanesque et cinématographique, voici les principales étapes qui ont conduit à notre utilisation du mot gothique.
Il nous reste cependant un dernier facteur à évoquer, car si le regard sur les architectures gothiques à changer, ce n’est pas seulement pour les raisons dont nous avons parlé. Le passage du temps n’a pas été tendre avec l’architecture gothique. Nous avons dit que les façades étaient jadis polychromes et chatoyantes, mais l’usure a fait disparaître ses couleurs et aujourd’hui il n’subsiste presque aucune trace. Et si les cathédrales sont des lieux sombres à nos yeux, elles le sont parce qu’elles le sont réellement devenues à cause de la pollution générée par l’industrialisation. Les pierres blanches ou peintes ont fini par être recouvertes par une couche noirâtre qui a contribué à changer notre regard sur ces édifices.
Concluons donc en remarquant que dans le domaine des arts l’existence d’un style à parfois des causes inattendues.